Le retour au bercail : comment Pinter explore les fantasmes masculins et le pouvoir féminin dans sa pièce provocatrice
Harold Pinter est l’un des plus grands dramaturges du XXe siècle, connu pour son style minimaliste, ses dialogues ciselés et ses intrigues ambiguës. Parmi ses œuvres les plus célèbres, Le retour au bercail (The Homecoming) occupe une place particulière. Créée en 1965 à Londres, la pièce met en scène le retour inattendu de Teddy, un professeur d’université américain, dans sa maison familiale du nord de Londres, où vivent son père autoritaire, son frère boxeur, son oncle chauffeur de taxi et ses deux frères cadets. Il est accompagné de sa femme Ruth, qui va bouleverser l’équilibre précaire de ce clan masculin.
Le retour au bercail est une pièce qui suscite à la fois le rire et le malaise, tant elle révèle les tensions, les désirs et les violences qui se cachent sous le vernis des relations familiales. Elle interroge aussi le rôle de la femme dans un monde dominé par les hommes, et la façon dont elle peut utiliser son pouvoir de séduction pour manipuler ou libérer. Plus de 50 ans après sa première représentation, la pièce n’a rien perdu de sa force et de son actualité, comme en témoignent les nombreuses reprises qui ont eu lieu à travers le monde.
Une comédie noire aux multiples interprétations
Le retour au bercail est une pièce qui ne se laisse pas facilement appréhender. Elle mêle les registres du comique et du tragique, du réaliste et de l’absurde, du familier et de l’étrange. Elle joue avec les attentes du spectateur, qui ne sait jamais ce qui va se passer ni ce que pensent vraiment les personnages. Elle laisse aussi beaucoup de place à l’imagination et à l’interprétation, en ne donnant pas d’explications claires sur les motivations ou les origines des protagonistes.
Voici une vidéo en anglais présentant cette pièce :
Certains y voient une satire de la société britannique des années 1960, marquée par le déclin de l’empire et la montée du féminisme. D’autres y lisent une critique de la famille patriarcale et de ses codes oppressifs. D’autres encore y trouvent une réflexion sur la nature humaine et ses pulsions contradictoires. Quelle que soit la lecture que l’on fait de la pièce, on ne peut nier qu’elle provoque une réaction forte chez le public, qui se sent à la fois fasciné et dérangé par ce qu’il voit sur scène.
Un chef-d’œuvre mis en scène par les plus grands
Le retour au bercail a connu un succès immédiat dès sa création au Royal Shakespeare Company en 1965, sous la direction de Peter Hall. La pièce a remporté le prix Tony de la meilleure pièce à Broadway en 1967, et a été adaptée au cinéma par Pinter lui-même en 1973, avec la plupart des acteurs originaux. Depuis lors, la pièce a été reprise par de nombreux metteurs en scène prestigieux, tels que David Mamet, Michael Attenborough ou Jamie Lloyd.
Chaque nouvelle production apporte un éclairage différent sur la pièce, en mettant en valeur certains aspects ou en modifiant certains éléments. Par exemple, Jamie Lloyd a choisi de situer l’action dans un décor minimaliste et épuré, pour accentuer le contraste entre le réalisme des dialogues et l’irréalisme de la situation. Il a aussi fait appel à des acteurs plus jeunes que d’habitude, pour souligner la jeunesse et la vitalité des personnages.